C'était le vent qui le marqua le plus. Dans cet univers figé à jamais, le souffle colérique rugissait toujours aux oreilles. Il martelait avec acharnement les ossements du paysage, mort depuis longtemps déjà. La tempête vivait, elle. Inlassablement et éternellement, elle animerait sa maison.
Pour avoir visité, fort peu légalement, les jardins royaux d'Hyrule et leur splendeur coloré, il ne pouvait qu'haïr cet endroit. Sous ses yeux l'impitoyable brise, comme le cri d'un dieu fantôme, battait les marécages sinistres. Plusieurs cours dallés pourrissaient d'humidité. Autours d'elles, des mares croupissaient dans leur puanteur ancestrale. D'étonnantes plantes épaisses et grossières, surgissaient des eaux brunâtres. Elles étaient brutales et rudes, épineuses et violentes. Des arbres aux courbes naturellement brisées étendaient leurs branches noires et griffues. On ne les distinguait qu'à peine du ciel toujours sombre. L'Homme est toutefois un être étrange, si bien que ce décors glaçant et terne présentait un charme certain. L'architecture gothique des jardins poussaient à une contemplation pessimiste et morbide du monde. Paysage allégorique d'une antichambre mortuaire ou bien d'une promesse de ténèbres pour l'avenir.
Bravant Éole lui-même, Arkhams se déplaça vers la cours centrale. Plus vaste que les autres, elle était garni de bancs rustiques en pierres de taille. Vaguement protégée des éléments par une colonnade de chênes vitrifiés dans leur trépas, elle offrait un lieu de repos, de mélancolie. Le visiteur se sentait seul au monde, un vil intrus dans ce musée à la gloire du jadis. Son regard s’abîmait de chagrin, son coeur se tordant de souvenirs tranchants.
Un platane rabougri, aux feuilles noires piteuses et trempées, tentait de survivre dans cette hostilité. Des racines se raccrochaient à la terre ferme tandis que d'autres pourrissaient lentement dans les mares immobiles. Les corbeaux eux-même avaient fui le château et ses jardins. Ils ne gratifiaient plus de leurs rauques querelles les habitants et les végétaux. Ces lâches ne laissaient derrière eux qu'un héritage silencieux. L'arbre en question, malgré sa ridicule petitesse comparé à celle des mastodontes cauchemardesques qu'étaient ses compagnons de voisinage, trônait littéralement. A sa vue, le banc ne suffisait plus à supporter le chagrin d'Arkhams qui tomba à genou. Les graviers salissant les pavés écorchaient ses genoux lassés. L'Homme ne pleurait pas, il était seulement attaqué par les réminiscences de son bonheur éphémère. Son existence n'était plus que deuil et il la savait prête à s'achever. Il était comme un éléphant dans le cimetière de ses aïeux. Mais il n'y avait ici aucun ossements réconfortants de parents aimants. Il n'y avait rien que des ruines intactes. Tout était préserve, mais ruiné par l'absence de ses terrifiants habitants. Le platane, Arkhams le savait, avait été scarifié en l'honneur de sa fratrie. Il devait y avoir, parmi les bourrelets de l'écorce vieillissantes du végétal, une inscription. Quelques mots d'un romantisme niais de l'adolescent qu'il était. Il se souvenait avoir gravé de son sabre le nom de son frère et du siens. Le souvenir lui déchira les entrailles, exposant son âme meurtri au vent déchaîné. D'une main féroce il attrapa sa chemise, son coeur défaillait de tristesse. Il aurait voulu entonner une complète "Ou es-tu mon frère", laissant les mots dériver aux grès de la tempête jusqu'aux oreilles des dieux. Mais les mots ne sortaient pas de sa gorge gonflée d'émotions, crampée de désarrois.
Arkhams aurait voulu décéder à l'instant même, devant l'autel de Shanks, qui n'était pourtant qu'un arbre signé de leur nom. Mais son agonie n'était pas encore assez forte. Derrière lui, le château restait inexploré. C'était un temple, celui des Profondes Ténèbres. Il méritait bien une derrière visite, non ?